lundi 4 mai 2020

au-dessus les foules obscures • giuseppe verdi, don carlos, opéra en 5 actes ((version originale et intégrale en langue française de 1867)


Don Carlos, DVD


Créé à l’opéra de Paris le 11 mars 1867, Don Carlos est unique dans l’histoire de l’opéra puisqu’il en existe 7 versions :

- 4 en langue française (1. Celle en 5 actes qu’aurait souhaité Verdi qui comprend la totalité de ce qu’il a composé et qui n’a jamais été joué. 2. Celle de la générale à Paris, en 5 actes avec coupures et ballet. 3. Celle du 11 mars, 1e représentation, en 5 actes avec de nouvelles coupures. 4. Celle du 13 mars, 2e représentation, en 5 actes avec de nouvelles coupures de 255 mesures).  

- 3 en langue italienne, traduction du texte français (5. Celle en 5 actes pour Naples (1872). Version n°3 avec quelques modifications. 6. Celle en 4 actes pour la Scala de Milan (1884). Version considérablement raccourcie avec suppression du 1e acte et du ballet. 7. Celle en 5 actes pour Modène (1886) avec rétablissement du 1e acte avec coupure et sans ballet.

Au travers de Don Carlos, Verdi a voulu explorer 3 thèmes :

1. La solitude du pouvoir incarnée par Philippe II, Roi d’Espagne ( 5 ans plus tard -1872-, Moussorgski s’en souviendra avec Boris Godounov).
2. Le fanatisme et l’intolérance de la religion avec le Grand Inquisiteur.
3. L’amour contrarié de Don Carlos (fils du Roi) et d’Elisabeth (épouse du Roi) qui engendre la jalousie, la jalousie du Roi envers la Reine qu’il soupçonne d’avoir son fils pour amant et la jalousie de la Princesse Eboli (1e Dame d’honneur de la Reine) envers Don Carlos qu’elle soupçonne d’aimer la Reine.

Mais, dans cet opéra, le sujet principal est le pouvoir de l’Etat qui cède devant le pouvoir de l’Eglise, l’histoire d’amour passant au second plan et permettant simplement de provoquer les situations.

En choisissant Schiller, écrivain et dramaturge allemand et en confiant l’adaptation à ses deux librettistes Méry et Dulocle, Verdi a construit, à quelques détails près, une histoire tout à fait crédible, pas très lointaine d’une certaine réalité.

Charles-Quint apparait sous la forme d’un fantôme qui va hanter tout l’opéra un peu comme le Commandeur dans Don Giovanni de Mozart.

Phillipe II (similitude avec Boris Godounov) est la figure centrale de l’œuvre, à tel point que Verdi a songé à intituler son opéra : « Philippe II ou la solitude du pouvoir ». Il épouse la fiancée de son fils qu’il sacrifie sous les ordres du Grand Inquisiteur : « L’orgueil du Roi fléchit devant l’orgueil du prêtre. »

Elisabeth apparaît au 1e acte à Fontainebleau, chez elle, à la cour du Roi de France Henri II. Elle est souriante, gracieuse et ne rêve que de bonheur. Dès le 2e acte, en Espagne, mariée au Roi d’Espagne, elle ne ressent que désolation et souffrance. La nécessité politique l’a condamnée au mariage sans amour. Elle a épousé le père de Don Carlos, l’homme qu’elle aime en se sacrifiant, généreuse et noble, pour que cesse la guerre entre la France et l’Espagne.

Don Carlos emporté par l’amour et les illusions ne parvient pas à surmonter sa passion pour Elisabeth. Après la plénitude de la rencontre au 1e acte, il va passer par le désespoir, le déchirement et les adieux.

Rodrigue, Marquis de Posa cultive une amitié sans concession pour Don Carlos. Il est épris de vérité et de liberté. Il est audacieux. Il prend sur lui les fautes de Carlos ce qui souligne sa noblesse et son dévouement sans limite. Il meurt assassiné, victime d’un complot.

La Princesse Eboli, 1e Dame d’honneur d’Elisabeth et confidente, ancienne maîtresse de Philippe II, est amoureuse de Don Carlos pour lequel sa jalousie passionnée tourne à la rage. Elle est un personnage noir qui aime les combines, le déguisement et qui en viendra à maudire sa beauté.

Le Grand Inquisiteur, odieux personnage de 99 ans, est aveugle au sens propre comme au sens figuré. C’est un puissant vieillard borné, maître de l’inquisition. Historiquement – et Verdi l’a voulu ainsi -, il incarne magistralement Pie IX, un des papes le plus rétrograde de l’histoire de la religion, qui a semé la terreur entre 1845 et 1866 par son attitude intransigeante. Il s’est opposé à l’Unité Italienne. Il a condamné le socialisme, le rationalisme, le libéralisme du monde moderne pour prouver l’infaillibilité du pouvoir pontifical. C’est celui même que Jean-Paul II a canonisé quelques temps avant sa mort. La presse révoltée en a d’ailleurs fait largement l’écho.

Don Carlos, l’opéra en lui-même, est l’apothéose du grand opéra historique avec en toile de fond le conflit permanent vie publique/vie privée, Eglise/Etat, despotisme/libéralisme, catholicisme/protestantisme, doublé d’une histoire d’amours contrariés. Don Carlos est le modèle même de l’opéra du « clair-obscur », tout à fait propre à Verdi. C’est l’opposition joie/douleur, rires/larmes, lumière/ombre et tonalités majeures/mineures. Mais aussi l’opposition réalisme/irréalisme par un sujet historique et politique opposé à ce fantôme de Charles-Quint qui hante tout l’opéra et sauvera son petit-fils au rideau final.

Don Carlos reste avant tout un opéra politique. L’amour Carlos/Elisabeth est rompu par la raison d’Etat. L’opposition Philippe II/Rodrigue concerne la politique étrangère de l’Espagne avec l’annexion des Flandres. La démarche amoureuse de Carlos auprès de sa belle-mère est assimilée à une insubordination envers son père. Le Grand Inquisiteur prend une place primordiale en bafouant l’Etat.

Dans ce drame du pouvoir, il y a un sentiment permanent d’impuissance et de solitude. Eboli est broyée par son amour et ses intrigues. Elisabeth ne vit que par ses souvenirs. Rodrigue ne sort jamais de ses rêveries héroïques. Carlos est faible, vaincu par avance, Philippe II est un homme fatigué, amer, ravagé par le manque d’amour.

Don Carlos est aussi une tragédie passionnelle qui accentue la fracture entre l’individu, ses aspirations, ses désirs et le poison social. La mort plane sur cette fresque de personnages perdus dans leur solitude.

L’or et le noir sont les couleurs dominantes, l’or pour les fastes de la cour, le noir pour la nuit et la mort, mort matérialisée par le couvent de Saint-Just qui abrite le tombeau de Charles-Quint. Cette nuit qui est le néant est aussi la seule paix qui puisse apaiser les êtres humains.

Hervé Auguste Gallien

Don Carlos, vynile




GUISEPPE VERDI, DON CARLOS
Opéra en 5 actes
(version originale et intégrale en langue française de 1867)

Joseph Rouleau, basse (Philippe II, Roi d’Espagne)
André Turp, ténor (Don Carlos, infant d’Espagne)
Robert Savoie, baryton (Rodrique, marquis de Posa)
Edith Tremblay, soprano (Elisabeth de Valois)
Michelle Vilma, mezzo-soprano (Princesse Eboli)
Richard Van Allan, basse (Le Grand Inquisiteur)
Gillian Knight, mezzo-soprano (Thibault, page d’Elisabeth de Valois)
Emile Belcourt, ténor (Le Comte de Lerme)
Robert Lloyd, basse (Un moine)
Geoffrey Shovelton, ténor (Un héraut royal)
Prudence Lloyd, soprano (Une voix venant du ciel)

BBC Concert Orchestra
John Matheson, direction

Enregistrement de la BBC retransmis le 10 juin 1973 et enregistré le 22 avril 1972 au Camden Théâtre de Londres.

Cette version de 1973, quoiqu’il en soit, est indispensable parce ce que chantée réellement en français, souvent très bien et conforme à ce que Verdi fit répéter à l’opéra de Paris avant les ultimes coupures,  avec travestissement, ballet et mouture originale du rôle de Posa. La direction claire et équilibrée de John Matheson surclasse assez souvent les Karajan, Abbado, Santini… malgré le direct en public, touchant parfois au très grand, comme la marche des suppliciés et nous confirme la justesse des tempi métronomiques de Verdi, puisque sa durée – 3h51’ – est à quatre minutes près celle du tableau de service de l’opéra de Paris du 24 février 1867. Les découvertes sont ici nombreuses et souvent heureuses. Beaucoup de pages surprendront comme la longue et grandiose conclusion. Les trilles et toutes les nuances de Savoie, les couleurs admirables de Turp, l’exactitude imposante et sensuelle de Vilma, la voix et la classe de Rouleau et Van Allen, la grande voix de falcon au grave chaud et l’aigu royal et fragile de Tremblay concours à la réussite de cet exceptionnel enregistrement.


ACTE 1 
(XVIe siècle en France dans la forêt de Fontainebleau)

L’infant Don Carlos s’éprend d’Elisabeth de Valois que son père, le roi Philippe II, va épouser. Les deux jeunes gens se séparent, désespérés.


ACTE II 
(Plus tard en Espagne)

Lié d’amitié avec le Marquis de Posa, Don Carlos embrasse la cause des Flamands persécutés par l’Inquisition. Posa cependant lui ménage une entrevue avec Elisabeth, mais le Roi survient et conçoit des soupçons.


ACTE III

La princesse Eboli, ancienne maîtresse du roi et amoureuse de l’infant, et repoussée per ce dernier. Elle jure sa perte. Cependant, Don Carlos, à la tête de délégués flamands, implore pour eux la grâce royale. Devant le refus de son père, il tire l’épée contre lui et le roi de fait arrêter.


ACTE IV

Philippe II comprend douloureusement qu’Elisabeth ne l’a jamais aimé. Le Grand Inquisiteur se présente et réclame la tête de Posa. Puis survient la reine. Philippe II l’accuse d’adultère, tandis qu’Eboli s’accuse à son tour d’avoir injustement suspecté la reine. Dans la prison de Don Carlos, Posa – qui se sait condamné par l’Inquisiteur – vient faire ses adieux à son ami. Mais un coup de feu l’abat. Philippe II veut pardonner à son fils, mais à présent, celui-ci se détache de lui.


ACTE V

Don Carlos prend congé d’Elisabeth puis s’enfonce dans l’ombre d’un cloître où l’entraine l’empereur défunt Charles-Quint.

dimanche 3 mai 2020

le puits au fond du jardin • amitiés particulières et querelle de clocher…




Le Roi de France a téléphoné à Zemmour – victime d’une agression – pour l’assurer de tout son soutien. Il est étrange que l’homme que l’immense majorité des français bien sages, bien corrects, bien polis, bien propres et bien-pensants voudrait voir en prison pour ses propos dérangeants, soit à ce point copain-copain avec le monarque qui n’en fait jamais trop pour la réfection de son image. Quant au godillot ministre de la Santé, il a encore insulté le Professeur Raoult en dénonçant les propos de l’infectiologue qu’il juge irresponsable. Quand on a échoué et qu’on échoue pareillement dans une crise sanitaire sans précédent, on mesure ses propos où l’on fait régner la justice en traduisant l’empêcheur de tourner en rond devant les tribunaux.  

anniversaire • le ténor canadien, léopold simoneau, aurait 104 ans aujourd’hui




En savoir plus…

Léopold Simoneau Sings "Je crois entendre encore" From Bizet's Pearl Fishers

"J'ai perdu mon Eurydice"; Orfeo et Eurydice"; Christoph Willibald Gluck

 

Léopold Simoneau--Tenor
Hans Rosbaud--Conductor
Orchestre de l'Association des Concerts Lamoureux

1956

Léopold Simoneau Mignon Elle ne croyait pas


Autres anniversaires…

vu à travers le tube • vivre libre…


Toutes les radios et les télés se sont données le mot : « Si t’es pas sage mon enfant, j’te déconfine pas le 11 Mai ! » Voilà une supposition bien affirmée et qui dit bien ce qu’elle veut dire : « Mon bébé, ça s’fait pas d’faire caca dans sa culotte. Aussi, j’suis obligé de t’confiner avec mes confitures ! » Les choses sont dites. Le Roi de France l’enfant immature et pervers qui a épousé sa maman toute ridée se prend pour la réincarnation de Louis XI, de Louis XIV, de Napoléon, d’Hitler et même d’Ivan le Terrible. Il est Roi. On doit obéir. Et je tombe encore des nues en songeant qu’il y a encore des français qui restent persuadés qu’on est en démocratie. Et ce fait indiscutable me parait bien plus dangereux que tous les virus du monde entier. Vivre c’est être libre. Dans le cas contraire, seule la mort peut nous apaiser en nous rendant notre liberté.

samedi 2 mai 2020

au-dessus des foules obscures • marguerite long, pianiste – maurice ravel, concerto en sol (1932)




Avec quoi écrirait-on l’Histoire, si ce n’est avec la personnalité ? Et la personnalité de Marguerite Long a été cela, exactement : le témoin d’un siècle où s’est faite de si étonnante façon la musique française. Il y a eu Cortot, certes : mais son nom restera peut-être, dans l’Histoire, plus associé à ceux de Schumann ou de Chopin. Quant à Debussy et Ravel, n’est-il pas vrai de dire que sans Marguerite Long, c’est à un étranger, Ricardo Vines, qu’il appartiendrait de leur avoir donné une voix ? Car la France produit des virtuoses certes, et des musiciens. Mais il n’est pas habituel que ceux-ci associent leurs efforts et leur nom à la musique de leur temps. Marguerite Long a créé la Ballade de Fauré, quelques-unes des Etudes de Debussy et de Ravel, outre le Concerto en sol majeur, le Tombeau de Couperin : cette partition même qui, à Montfort-l’Amaury, se trouvait sur le piano à jamais muet de Ravel, à côté de ses lunettes laissées là. Championnant  ainsi les musiciens et la musique de son temps (alors que sa vision classique la disposait à Beethoven aussi bien, qu’elle a du reste enregistré avec non moindre que Weingartner, ou à Mozart, dont elle avait le toucher incomparable), Marguerite Long a eu la chance historique, enfin ménagée par le disque devenu adulte, de pouvoir laisser à l’éternité des témoignages sonores et vivants de sa collaboration avec ses maîtres et amis : ainsi ce Concerto en sol, joué comme on rêve, en communion avec Ravel qui n’allait pas tarder à mourir, et qui entre ici vivant dans sa propre immortalité. Rare témoignage qui préserve pour tous les temps de spontanéité d’une première fois qui était aussi en l’occurrence, une fois pour toutes. Cette poésie chantante des avenues de rêve et de son fait lumière qu’ouvre le mystérieux andante, qui d’autre a su lui donner ainsi l’évidence, qui en même temps est son secret ? Il y fallait des doigts français, poètes plus que jolis, il y fallait une sensibilité française. Et surtout il n’y fallait aucun dogmatisme, parce qu’elle avait tout vu et tout entendu, parce qu’elle avait enregistré au Conservatoire de Paris dès 1906 (à 32 ans), parce qu’un plein demi-siècle elle avait régné sur des générations d’aspirants pianistes (Bruno Leonardo Gelber ne fut-il pas le dernier à saisir d’elle le secret de ses doigts poètes ?), parce qu’elle a attaché son nom à celui de Jacques Thibaud) à un des rares concours internationaux qui fassent vraiment de l’exception une sorte de régie. Pourtant qu’on écoute Marguerite Long. Rien de dogmatique ici. Quoiqu’elle soit avec Ravel, elle ne prétend pas nous dire la vérité sur Ravel. Elle laisse parler la musique. Elle-même effacée, elle-même en retrait, elle semble écouter plutôt que parler. Une fausse note ne la surprendrait pas, ne la scandaliserait pas. Elle y verrait peut-être la preuve qu’il s’agit de musique vivante, cette vivante passionnée, cette indomptable qui, près de quatre-vingt-dix ans su vivre de musique et avec la musique vivante. (André Tubeuf)

Maurice Ravel, Concerto en sol majeur pour piano et orchestre
1. Allegramente
2. Adagio assaï
3. Presto  

Marguerite Long, piano
Orchestre Symphonique
Maurice Ravel, direction

Enregistré en avril 1932

Marguerite Marie Charlotte Long, née à Nîmes le 13 novembre 1874 et morte à Paris le 13 février 1966, est une pianiste française de renommée internationale. Elle excella dans le répertoire français de l'époque moderne, mais aussi dans Chopin et les romantiques

anniversaire • la soprano américaine, jeannine altmeyer, a 72 ans aujourd’hui




En savoir plus…

Janine Altmeyer (with Peter Hofmann) as Sieglinde seeing a vision of Siegmund's death, in Wagner "Die Walküre" II.2. Directed by Patrice Chéreau and conducted by Pierre Boulez: the Bayreuth centenary Ring of 1976.

Jeannine Altmeyer & Giuseppe Giacomini - Tosca - Act I Duet (1985)

 

 
Die Walkure - Nothung - Peter Hofmann & Jeannine Altmeyer

 



Autres anniversaires…

vu à travers le tube • confinage, déconfinage et soumission…


« Je vous déconfine et en échange je surveille vos moindres gestes ! » Ainsi a dit Sa Majesté le Roi de France. Il a voulu expliquer qu’il nous sortait de la prison dans laquelle il nous avait scandaleusement enfermés et qu’en nous proposant un tout petit peu de liberté à l’air, il s’appropriait notre liberté psychique. Cette fausse sortie vers la liberté est encore un scandale de plus dans cette France monarchique et totalitaire que les français, dans leur immense majorité, refusent de voir parce qu’ils sont conditionnés, fabriqués et modelés pour être de bons citoyens obéissants et soumis. Et Corne à Virus ne fait qu’amplifier cet abandon de soi-même au pouvoir dictatorial au nom d’une hypothétique sécurité. Entre deux maux il fait choisir : mourir sous le couperet de Corne à Virus ou mourir sous le couperet du bon vouloir du Roi de France. Les dépressions au sein des prisons dont nous sommes locataires ou propriétaires s’amplifient dangereusement. Les psychiatres, pas plus tard qu’hier, ont tiré la sonnette d’alarme. Ils ne seront jamais assez nombreux pour faire face à la vague de déprimés et suicidaires. Cette situation n’a que trop duré et nous ne savons toujours pas où sont les véritables culpabilités entre LE pouvoir pervers totalitaire des politiques et des médecins et LE virus qui semble faire de la politique politicienne et transformant les français en trois couleurs et en menaçant ceux qui le défient. C’est bien pire qu’en Chine ou en Corée du Nord parce que là-bas les humains sont nés en prison et que jamais ils n’ont vu la couleur du ciel ni entendu le chant des oiseaux.

vendredi 1 mai 2020

in memoriam • cahiers du cinéma . david lynch, twin peaks-le retour (2017)



CAHIERS DU CINEMA
N°735, juillet/août 2017

Stéphane Delorme, rédacteur en chef


NON EXISTANT

TWIN PEAKS (LE RETOUR), série télévisée en 18 épisodes de David Lynch
Etats-Unis, 2017

Avec Kyle MacLachlan, David Lynch, Robert Forster, Laura Dern, Naomi Watts, Sheril Lee…

Editorial de Stéphane Delorme

Lorsque Dale Cooper sort enfin de la Black Lodge et tombe dans l’infini, l’arbre crie : « Non existant ! » Oui, ce que l’on voit est bien non existant. Quel cadeau inespéré nous fait David Lynch, 25 ans après. La saison 3 de Twin Peaks, intégralement réalisé par lui, est un feu d’artifice. Dans un de ses rares entretiens, il dit qu’il a moins conçu une série qu’un film de 18 heures, à découvrir chaque semaine (18 épisodes jusqu’au 3 septembre). Un film qui n’en finit pas de recommencer et qui multiplie les pics. On s’extasie à peine sur l’épisode new-yorkais que le 3 arrive avec sa tête d’Eraserhead, puis le 6 hyper-violent, puis le 8. Deux photos entrevues dans le bueau de Gordon Cole, Kafka et la bombe atomique, et BOUM, cinq épisodes plus tard la bombe explose en 1945 et crée la métamorphose d’un insecte mutant. Chaque fois qu’il fait un pas vers le vieux monde de Twin Peaks, un bond en arrière nous renvoie toujours plus loin. Lynch sait qu’il a capturé un « gros poisson », comme il dit dans son art poétique Catching the Big Fish (Mon histoire vraie). Gordon Cole le confirme lorsqu’il répète (comme Dougie) ce que lui dit Denise : « You are on something Big - Il acquiesce : Big ».

La saison 3 est un geste immense comme si Lynch voulait faire communiquer toutes ses idées. Créer le grand œuvre, la synthèse, tout en évitant la compilation. Et en même temps qu’il s’aventure au plus loin, il n’oublie pas Twin Peaks. La saison se fait sans certains personnages, ce n’est plus leur histoire, et pourtant ces retrouvailles qu’on attend, Lynch les offre : James, Bobby, une séquence suffit. Il appuie à peine et on est dévasté. Il sait qu’il est au volant d’une Rolls. Mais même une Rolls ronronne. Alors, il saute ailleurs, change constamment d’échelle, mais sans épate. Il suffit d’une bête qui entre lentement dans la bouche d’une adolescente pour que tout le cinéma d’horreur reparte à zéro. L’absence d’explication immédiate fait dériver notre esprit, on cherche, on pense, on imagine. Il joue au chat et à la souris, mais on est entre de bonnes mains, comblé de signes et d’émotions. Ce que la périodicité permet de précieux, c’est de voir une œuvre d’art se créer sous nos yeux.

Une émotion inédite naît aussi de ces retrouvailles avec les acteurs. Les trois rôles donnés à Kyle MacLachlan (exceptionnel) rappellent le rôle feuilleté de Laura Dern dans Inland Empire. Les deux fois c’est l’impulsion d’un acteur, d’un ami qui donne le feu vert. Ces deux comédiens, il les a découvert quand ils avaient 20 ans, ils s’aimaient dans Blue Velvet et dans la vie : elle seule forcément pouvait jouer Diane. Il y a aussi la dédicace aux acteurs disparus, alors même qu’ils apparaissent dans la série. Catherine Coulson (la Femme à la bûche), Miguel Ferrer (Albert), Warren Frost (Dr Hayward) sont filmés pour la dernière fois. La série prend la forme d’un adieu aux amis. Rien que le plan de Harry Dean Stanton sur son banc ! On le retrouve là où il était resté à regarder les étoiles à la fin d’Une histoire vraie. Toutes ces idées bouleversent. Même à l’écran, sous les traits de Gordon Cole, Lynch se promène toujours avec Albert et la nouvelle recrue Tammy, et il a besoin en plus de Diane. Il veut rassembler tout le monde dans son arche de Noé.

Parler d’un film en cours est un exercice périlleux, d’autant plus quand il prend une forme fragmentée. Notre ensemble tout aussi fragmenté replace dans l’œuvre, multiplie les entrées et célèbre des idées (d’où « The Alphabet » en hommage à son court métrage de 1968). Notre souhait est d’accompagner les lecteurs que Lynch aura certainement entretemps fait passer dans d’autres mondes. De donner aussi envie de revoir les premiers épisodes de la saison car chacun est si nouveau qu’il a tendance à effacer le précédent. Or c’est bien un ensemble qui se présente, morceau par morceau. Revoir les épisodes réserve une expérience différente. C’est un monde glacial, et pourtant on y est bien, parce que l’intelligence, la curiosité, la beauté, l’amour, s’ils menacent de disparaître, sont partout dans le regard de Lynch. Dans le vieux Twin Peaks, Gordon Cole, porte-parole (ou plutôt haut-parleur) du cinéaste, braillait au milieu du chaos : « Let your smile be your umbrella » - que ton sourire soit ton parapluie.

S.D.    


anniversaire • création de l’opéra bouffe de wolfgang amadeus mozart « les noces de figaro », il y a 234 ans aujourd’hui




En savoir plus…

Wolfgang Amadeus Mozart Le nozze di Figaro

Figaro Erich Kunz
Susanna : Irmgard Seefried
Il Conte di Almaviva : George London
La Contessa di Almaviva : Elisabeth Schwarzkopf
Cherubino : Sena Jurinac
Bartolo : Marjan Rus
Marcellina : Elisabeth Höngen
Don Basilio : Erich Majkut
Don Curzio : Erich Majkut
Barbarina : Rosl Schwaiger
Antonio : Wilhelm Felden

Wiener Philharmoniker
Herbert von Karajan, direction

Studio recording, Vienna, 17-21.VI, 23-27 & 31.X.1950

Julie Fuchs (soprano) et Evan Hughes (baryton) chantent le duo Susanna / Figaro "Cinque, dieci...se a caso madama..." extrait des Noces de Figaro de Mozart.

Vidéo enregistrée en direct d'Aix-en-provence dans le cadre d'un "Carrefour de Lodéon" spécial pour le Festival International d'Art Lyrique d'Aix-en-Provence

WA Mozart - Le Nozze di Figaro - Air de Cherubino "Voi che sapete" –

Renata Pokupic
Le Cercle de l'Harmonie
Direction Jérémie Rhorer

16ème nuit de la voix Orange - 4 juin 2007.



Autres anniversaires…

vu à travers le tube • icare va encore chuter… et éteindre la lumière !


Mais faites-les donc taire ! A quoi peut bien servir cette communication permanente, intensive, pernicieuse et sans fondement par les ministres godillots ou les godillots attachés aux ministres godillots, qui ne cessent de nous dire qu’ils ne savent pas et que c’est demain – un demain sans cesse reporté – qu’ils sauront et qu’ils pourront nous renseigner et nous indiquer le comportement que le Roi de France a décidé pour nous et que nous devrons suivre impérativement sous peine de punitions exemplaires. Puisqu’ils ne savent pas, qu’ils se taisent ! Ce déconfinement qui va probablement appeler un autre confinement encore plus strict et encore plus mortel reste pour moi l’erreur majeure de notre civilisation qui ne pourra s’en remettre. Gouverner c’est prévoir et surtout prévoir l’impossible, prévoir l’invisible. Gouverner c’est penser autrement, penser l’inimaginable, penser l’impossible improbable. Tous ceux que vous mettez au pouvoir – moi je ne vote pas – ne pensent pas. Pour se présenter à une élection il faut avoir un système de pensée réduit à une feuille de choux pourrie dans la boue. Ne jamais voter pour celui qui réclame le pouvoir à dit un pensant. Mais voilà ! Les successions de Rois, les successions de « républiques », les guerres, les mini-révolutions, n’ont rien changé à la pensée de notre monde. Nous en sommes toujours à l’époque de l’homme des cavernes avec la caverne en moins. Dans cette chute terrifiante et irrémédiable, comment faire comprendre à l’homme qu’il doit mettre fin au temps de l’ignorance, au temps de la soumission, au temps du compromis, au temps de la politique spectacle, au temps du pouvoir pour le pouvoir, au temps qui éloigne jusqu’à exclure définitivement toutes nos libertés et renforce considérablement le rempart qui nous sépare de la démocratie toujours pas inventée ?