Don Carlos, DVD |
Créé à l’opéra de Paris le 11
mars 1867, Don Carlos est unique dans l’histoire de l’opéra puisqu’il en existe
7 versions :
- 4 en langue française (1.
Celle en 5 actes qu’aurait souhaité Verdi qui comprend la totalité de ce qu’il
a composé et qui n’a jamais été joué. 2. Celle de la générale à Paris, en 5
actes avec coupures et ballet. 3. Celle du 11 mars, 1e
représentation, en 5 actes avec de nouvelles coupures. 4. Celle du 13 mars, 2e
représentation, en 5 actes avec de nouvelles coupures de 255 mesures).
- 3 en langue italienne,
traduction du texte français (5. Celle en 5 actes pour Naples (1872). Version
n°3 avec quelques modifications. 6. Celle en 4 actes pour la Scala de Milan
(1884). Version considérablement raccourcie avec suppression du 1e
acte et du ballet. 7. Celle en 5 actes pour Modène (1886) avec rétablissement
du 1e acte avec coupure et sans ballet.
Au travers de Don Carlos,
Verdi a voulu explorer 3 thèmes :
1. La solitude du pouvoir
incarnée par Philippe II, Roi d’Espagne ( 5 ans plus tard -1872-, Moussorgski
s’en souviendra avec Boris Godounov).
2. Le fanatisme et l’intolérance
de la religion avec le Grand Inquisiteur.
3. L’amour contrarié de Don
Carlos (fils du Roi) et d’Elisabeth (épouse du Roi) qui engendre la jalousie,
la jalousie du Roi envers la Reine qu’il soupçonne d’avoir son fils pour amant
et la jalousie de la Princesse Eboli (1e Dame d’honneur de la Reine)
envers Don Carlos qu’elle soupçonne d’aimer la Reine.
Mais, dans cet opéra, le
sujet principal est le pouvoir de l’Etat qui cède devant le pouvoir de
l’Eglise, l’histoire d’amour passant au second plan et permettant simplement de
provoquer les situations.
En choisissant Schiller,
écrivain et dramaturge allemand et en confiant l’adaptation à ses deux
librettistes Méry et Dulocle, Verdi a construit, à quelques détails près, une
histoire tout à fait crédible, pas très lointaine d’une certaine réalité.
Charles-Quint apparait sous
la forme d’un fantôme qui va hanter tout l’opéra un peu comme le Commandeur
dans Don Giovanni de Mozart.
Phillipe II (similitude avec
Boris Godounov) est la figure centrale de l’œuvre, à tel point que Verdi a songé
à intituler son opéra : « Philippe II ou la solitude du
pouvoir ». Il épouse la fiancée de son fils qu’il sacrifie sous les ordres
du Grand Inquisiteur : « L’orgueil du Roi fléchit devant
l’orgueil du prêtre. »
Elisabeth apparaît au 1e acte à Fontainebleau, chez
elle, à la cour du Roi de France Henri II. Elle est souriante, gracieuse et ne
rêve que de bonheur. Dès le 2e acte, en Espagne, mariée au Roi
d’Espagne, elle ne ressent que désolation et souffrance. La nécessité politique
l’a condamnée au mariage sans amour. Elle a épousé le père de Don Carlos,
l’homme qu’elle aime en se sacrifiant, généreuse et noble, pour que cesse la
guerre entre la France et l’Espagne.
Don Carlos emporté par l’amour et les illusions ne parvient pas
à surmonter sa passion pour Elisabeth. Après la plénitude de la rencontre au 1e
acte, il va passer par le désespoir, le déchirement et les adieux.
Rodrigue, Marquis de Posa cultive une amitié sans concession pour Don Carlos.
Il est épris de vérité et de liberté. Il est audacieux. Il prend sur lui les
fautes de Carlos ce qui souligne sa noblesse et son dévouement sans limite. Il
meurt assassiné, victime d’un complot.
La Princesse Eboli, 1e Dame d’honneur d’Elisabeth et
confidente, ancienne maîtresse de Philippe II, est amoureuse de Don Carlos pour
lequel sa jalousie passionnée tourne à la rage. Elle est un personnage noir qui
aime les combines, le déguisement et qui en viendra à maudire sa beauté.
Le Grand Inquisiteur, odieux personnage de 99 ans, est aveugle au sens
propre comme au sens figuré. C’est un puissant vieillard borné, maître de
l’inquisition. Historiquement – et Verdi l’a voulu ainsi -, il incarne
magistralement Pie IX, un des papes le plus rétrograde de l’histoire de la
religion, qui a semé la terreur entre 1845 et 1866 par son attitude
intransigeante. Il s’est opposé à l’Unité Italienne. Il a condamné le
socialisme, le rationalisme, le libéralisme du monde moderne pour prouver
l’infaillibilité du pouvoir pontifical. C’est celui même que Jean-Paul II a
canonisé quelques temps avant sa mort. La presse révoltée en a d’ailleurs fait
largement l’écho.
Don Carlos, l’opéra en
lui-même, est l’apothéose du grand opéra historique avec en toile de fond le
conflit permanent vie publique/vie privée, Eglise/Etat, despotisme/libéralisme,
catholicisme/protestantisme, doublé d’une histoire d’amours contrariés. Don
Carlos est le modèle même de l’opéra du « clair-obscur », tout à fait
propre à Verdi. C’est l’opposition joie/douleur, rires/larmes, lumière/ombre et
tonalités majeures/mineures. Mais aussi l’opposition réalisme/irréalisme par un
sujet historique et politique opposé à ce fantôme de Charles-Quint qui hante
tout l’opéra et sauvera son petit-fils au rideau final.
Don Carlos reste avant tout
un opéra politique. L’amour Carlos/Elisabeth est rompu par la raison d’Etat.
L’opposition Philippe II/Rodrigue concerne la politique étrangère de l’Espagne
avec l’annexion des Flandres. La démarche amoureuse de Carlos auprès de sa
belle-mère est assimilée à une insubordination envers son père. Le Grand
Inquisiteur prend une place primordiale en bafouant l’Etat.
Dans ce drame du pouvoir, il
y a un sentiment permanent d’impuissance et de solitude. Eboli est broyée par
son amour et ses intrigues. Elisabeth ne vit que par ses souvenirs. Rodrigue ne
sort jamais de ses rêveries héroïques. Carlos est faible, vaincu par avance,
Philippe II est un homme fatigué, amer, ravagé par le manque d’amour.
Don Carlos est aussi une
tragédie passionnelle qui accentue la fracture entre l’individu, ses
aspirations, ses désirs et le poison social. La mort plane sur cette fresque de
personnages perdus dans leur solitude.
L’or et le noir sont les
couleurs dominantes, l’or pour les fastes de la cour, le noir pour la nuit et
la mort, mort matérialisée par le couvent de Saint-Just qui abrite le tombeau
de Charles-Quint. Cette nuit qui est le néant est aussi la seule paix qui
puisse apaiser les êtres humains.
Hervé Auguste Gallien
Don Carlos, vynile |
GUISEPPE VERDI, DON CARLOS
Opéra en 5 actes
(version originale et intégrale en langue française de
1867)
Joseph Rouleau, basse (Philippe II, Roi d’Espagne)
André Turp, ténor (Don Carlos, infant d’Espagne)
Robert Savoie, baryton (Rodrique, marquis de Posa)
Edith Tremblay, soprano (Elisabeth de Valois)
Michelle Vilma, mezzo-soprano (Princesse Eboli)
Richard Van Allan, basse (Le Grand Inquisiteur)
Gillian Knight, mezzo-soprano (Thibault, page d’Elisabeth de Valois)
Emile Belcourt, ténor (Le Comte de Lerme)
Robert Lloyd, basse (Un moine)
Geoffrey Shovelton, ténor (Un héraut royal)
Prudence Lloyd, soprano (Une voix venant du ciel)
BBC Concert Orchestra
John Matheson, direction
Enregistrement de la BBC
retransmis le 10 juin 1973 et enregistré le 22 avril 1972 au Camden Théâtre de
Londres.
Cette version de 1973, quoiqu’il
en soit, est indispensable parce ce que chantée réellement en français, souvent
très bien et conforme à ce que Verdi fit répéter à l’opéra de Paris avant les
ultimes coupures, avec travestissement,
ballet et mouture originale du rôle de Posa. La direction claire et équilibrée
de John Matheson surclasse assez souvent les Karajan, Abbado, Santini… malgré
le direct en public, touchant parfois au très grand, comme la marche des
suppliciés et nous confirme la justesse des tempi métronomiques de Verdi,
puisque sa durée – 3h51’ – est à quatre minutes près celle du tableau de
service de l’opéra de Paris du 24 février 1867. Les découvertes sont ici
nombreuses et souvent heureuses. Beaucoup de pages surprendront comme la longue
et grandiose conclusion. Les trilles et toutes les nuances de Savoie, les
couleurs admirables de Turp, l’exactitude imposante et sensuelle de Vilma, la
voix et la classe de Rouleau et Van Allen, la grande voix de falcon au grave
chaud et l’aigu royal et fragile de Tremblay concours à la réussite de cet
exceptionnel enregistrement.
ACTE 1
(XVIe siècle en France dans la forêt de
Fontainebleau)
L’infant Don Carlos s’éprend d’Elisabeth de Valois que
son père, le roi Philippe II, va épouser. Les deux jeunes gens se séparent,
désespérés.
ACTE II
(Plus tard en Espagne)
Lié d’amitié avec le Marquis de Posa, Don Carlos
embrasse la cause des Flamands persécutés par l’Inquisition. Posa cependant lui
ménage une entrevue avec Elisabeth, mais le Roi survient et conçoit des
soupçons.
ACTE III
La princesse Eboli, ancienne maîtresse du roi et
amoureuse de l’infant, et repoussée per ce dernier. Elle jure sa perte. Cependant,
Don Carlos, à la tête de délégués flamands, implore pour eux la grâce royale.
Devant le refus de son père, il tire l’épée contre lui et le roi de fait arrêter.
ACTE IV
Philippe II comprend douloureusement qu’Elisabeth ne l’a
jamais aimé. Le Grand Inquisiteur se présente et réclame la tête de Posa. Puis
survient la reine. Philippe II l’accuse d’adultère, tandis qu’Eboli s’accuse à
son tour d’avoir injustement suspecté la reine. Dans la prison de Don Carlos,
Posa – qui se sait condamné par l’Inquisiteur – vient faire ses adieux à son
ami. Mais un coup de feu l’abat. Philippe II veut pardonner à son fils, mais à
présent, celui-ci se détache de lui.
ACTE V
Don Carlos prend congé d’Elisabeth puis s’enfonce dans
l’ombre d’un cloître où l’entraine l’empereur défunt Charles-Quint.
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