D’abord les femmes fatales du
cinéma muet ont supplanté les cantatrices. Ensuite les rois du sport sont
venus. Le XXe siècle s’est inventé de nouvelles stars et n’a pas craint de les
nommer idoles. Quant un avion s’écrasa dans les Açores en octobre 1949, le
monde entier reçut, stupéfait, le choc de la mort de Marcel Cerdan, le boxeur
tendre qui avait touché le cœur des foules. Dans la même catastrophe se perdait
Ginette Neveu, trente ans. Elle n’était que violoniste, elle. Qui donc dans le
monde entier, sait ce que sait, une violoniste ? Quand Jacques Thibaud, au
soir d’une glorieuse carrière, disparu dans les Alpes, pas davantage il ne fit
la « une ». Ni tout l’ensemble Ars Rediviva, quelque part au Portugal.
Dans l’indifférence du monde, l’instrument le plus ailé a payé son tribut aux
Ailes. Tant pis pour lui. Sa sonorité sublime s’allégeant, s’extasiant, l’invite
à poursuivre le destin d’Icare. Comme lui, il se retrouve au sol, fracassé.
Au fait : le violon de
Ginette Neveu, on ne l’a jamais retrouvé. La boite était intacte, mais vide. En
ce temps-là, dans les petits cafés de la côte, un violoneux, un peu illuminé,
se mit à jouer d’un instrument aux sonorités magiques. Les compagnies d’assurances
dépêchèrent leurs limiers. Quand ils furent à pied d’œuvre le violon s’était
tu. Disparu. Peut-être remonté au ciel ?
Ginette Neveu mourut !
Une violoniste devin légende. Mais son violon, on l’oubliait. Ses disques ne
furent presque pas réédités. Né au lendemain de sa mort, le microsillon n’a pas
voulu de son Concerto de Brahms ! Justice commence seulement à être
rendue. Avec son violon d’ange et son visage de condottière, Ginette Neveu
était plus que femme : flamme. Elle avait brûlé les étapes, enfant, des
débuts à sept ans, le Prix Wienawski à onze. La guerre l’immobilisa. En 1948,
pour ses débuts américains, elle électrisait Carnegie Hall. C’était une douce
revanche pour l’enfant prodige, dont la guerre avait fait une débutante
attardée. Enfin elle ouvrait ses ailes. On les lui a cassées. Qu’on nous rende
au moins, enfin, trente ans après, tout ce que le disque nous a gardé de son
chant souverain ! (André Tubeuf)
Claude Debussy, Sonate pour
violon et piano en sol mineur
I.Allegro vivo
II. Intermède: Fantasque et legér
III. finale: Très animé
Ginette
Neveu, violon
Jean
Neveu, piano
Recorded
Mar 18, 1948 Abbey road Studios, London
Ginette Neveu est une violoniste française, née le 11
août 1919 au 52 boulevard de Magenta à Paris 10ᵉ arr. et morte dans un accident
aérien le 28 octobre 1949 dans l'île de São Miguel aux Açores.
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