J’avais
pris ma place en croyant qu’il s’agissait de l’opéra de Purcell « Didon et
Enée » et puis en lisant les savantissimes critiques parisiens dont ceux,
ultra-célébrissimes pour leurs fabuleuses incompétences et leurs monstrueuses
conneries, de forumopera.com qui scribouillaient avoir vu et entendu un
guitariste électrique et des chanteurs sonorisés, j’ai regretté et j’y suis
allé de mauvaise humeur. L’opéra a bien donné «Didon », mais dans une
formule saucissonnée aléatoire qui a prolongé Purcell de presque une heure et
demi avec des ajouts de bruits, de vociférations, de douceurs, de sonorité
venant de l’au-delà, celui que j’ai connu et fréquenté au cinéma chez certains
génies. Depuis 50 ans que je hante régulièrement les salles d’opéra, c’est la
seconde fois seulement, je j’assiste à un spectacle complet où le metteur en
scène est en adéquation totale avec la musique. La première fois c’était, dans
cette même salle, il y a deux ou trois ans, un « Tristan » éternel,
ni homme, ni légende, ni Dieu, ni mythe, sorti du plus profond de l’inconscient
de l’homme qui renvoie l’homme à son origine originelle, poussière sans
couleur, sans goût et sans odeur, tromperie de l’amour, perversité de la vie,
échec de la pensée. La seconde fois, c’était hier soir, où j’ai assisté à la
destruction du mythe, à l’immense petitesse de l’ambition de l’homme, à la perversité
des sentiments, au miroir implacable de ce que nous sommes vraiment. L’horreur
des cris sans fin de « « Psychose », les symboles – électricité
(fils), sol lozanginé, rideau rouge (bleu), nain, géant, maison (celle de Laura
Palmer) – de Twin Peaks 3e saison, la copulation – homme et femme
animaux -, la pulsion destructrice du mythe par les petites mains des
archéologues qui grignotent les sols pour retrouver le passé destructeur où
surgissent de la terre, une bouteille d’eau vide... en plastique, un portable
rouillé, quelques os décharnés – parties de mains ou de pieds -... rien qui ne
puisse se substituer aux mythes antiques qui ont porté l’humanité. C’est quand
la maison de Laura se fermera - que personne ne pourra plus y entrer ou en sortir - que le mythe cessera avec l’espoir de revoir un
jour celui qui a été homme et qui n’est plus, aujourd'hui, qu’objet pétrifié par son
inconscient. Cette grande, savante et utile démonstration de la pensée
psychanalytique, cette exploration de l’inconscient, cette manière de montrer
les monstres qui nous hantent et qui nous rendent monstres, cet impossible
communication entre les choses et les choses, entre les êtres et les êtres, entre
les choses et les êtres, entre les êtres et les choses, ont été sublimées par
d’immenses artistes, d’immenses voix chantées et parlées et criées et
vociférées, par d’immenses musiciens interprètes sous la direction magistrale,
rare, quasi unique d’un Pierre Bleuse engagé à fond dans le fond de ce monde
insensé qui est pourtant le nôtre au quotidien, quand on sait voir ce qui bouge,
ce qui ne bouge pas, ce qui est hors de notre champ de vision et ce qui ne l'est pas. L’opéra tel
qu’il devrait être... toujours !
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