mercredi 15 mai 2019

le puits au fond du jardin • terriblement impressionnant...




Le spectacle est pendant le spectacle, mais aussi bien avant et aussi bien après. Les musiciens, les choristes, les machinistes et tout le personnel de la maison se retrouvent à la cafétéria-restaurant, espace gigantesque, lieu de passage obligé – presque- pour ceux qui travaillent et pour ceux qui viennent admirer leur travail. Et, une fois encore, nous nous sommes retrouvés – l’autre je est la femme qui m’ac-compagne  depuis bientôt vingt années -  en ces lieux magiques où nous retrouvons la sérénité de la vie telle que nous la concevons. Le Deutche Oper Berlin donnait Lohengrin, cet opéra magique, délicat, pur noble et sublime, celui qui a donné à Wagner son envolé pour les hauteurs jamais atteintes comme Le Ring, Tristan et Parsifal, mais aussi Les Maîtres chanteurs. Pour la première fois nous avons tenté le premier rang de l’orchestre, à trois mètre à peine du chef d’orchestre et nous avons connu le double enchantement : voir et entendre l’œuvre de l’intérieur et jouer et chanter avec les acteurs.  Terriblement impressionnant !  Comme à son habitude, le chef titulaire du poste, celui à qui on ne peut pas en compter, Donald Runnicles, a été le héros de la soirée : cohésion, sonorités envoutantes, nuances, précisions et volupté. Et dans son impressionnant sillon, je ne peux que citer l’extraordinaire mezzo Anna Smirnova – Ortrud – qui a fait trembler les murs de Berlin par une puissance vocale hors-norme, un jeu de scène et une maîtrise du métier époustouflante. Je veux bien accorder les mêmes privilèges à son idiot de mari Friedrich von Telramund qui ne serait rien sans sa sorcière et au Roi Heinrich der Vogler. L’excellente Camilla Nyrund – Elsa von Brabant – a chanté avec toute la finesse et la fragilité de la femme coupable qui ne peut tenir sa langue et sa curiosité et qui connaît la compassion, ce sentiment qui détruit le monde. Mais, elle a quelque peu été gênée par son partenaire d’un soir, Daniel Johansson - Lohengrin -, qui a été pitoyable, insupportable et nullissime : voix craquante, aigus criés et très faux en continuité. Et j’ajouterai qu’il se tenait sur scène comme un homme qui monte à l’échafaud alors qu’il est censé être un héros de lignée royale et dictatoriale en tant que fils de Parsifal – un autre dictateur -. Il faisait pitié à voir dans ce qui aurait dû être son entrée majestueuse, affublée de deux ailes d’anges – même pas d’un cygne – qu’il posait à terre quand il sentait venir son mal de dos. Il a complètement gâché le troisième acte d’autant que son cygne – je pense qu’il y en avait un – n’est pas revenu à son identité première, Gottfried, le frère d’Elsa, héritier du trône. Le rideau s’est baissé sur Elsa étant allée chercher dans les coulisses le cadavre d’un marmot de trois mois enveloppé dans des langes. Et comme il s’agit d’un problème affectant le metteur en scène, je préfère m’abstenir. En fait, et c’est ça la pensée humaine, j’ai oublié. Je ne me souviens que du transcendant. Et là, à Berlin, au Deutche Oper, lors de cette soirée, le transcendant émanant de Runnicles et de sa troupe était pur transcendant.

Je suis donc de retour. J’ai retrouvé la médiocrité, la saleté, le mépris, l’injustice, le vomi. En arrivant chez moi, j’ai ouvert la télé et j’ai vu dans l’écran un enfant pervers qui se penchait sur deux cadavres. Il leur disait qu’ils étaient des héros. L’enfant aliéné ne sait toujours pas que le métier de militaire, c’est de se battre et de mourir. Et ces deux-là avaient fait ce choix. Les héros, ils étaient à Berlin, sur la scène du Deutche Oper...     

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