jeudi 27 septembre 2018

le puits au fond du jardin • ce matin, mon puits remplace mon tube…


Richard Wagner, Tristan et Isolde
Siegfried Jerusalem, Tristan
Waltraud Meier, Isolde
Heiner Müller, mise en scène
Bayreuth 1995


Il y eut – il y est peut-être toujours – Tristan à l’opéra Bastille qui se trouve être à Paris.  Je n’y étais pas. Je ne vais plus à Bastille depuis que j’ai vu une immonde Walkyrie dirigé par un chef immonde, le fils du grand et immense Armin Jordan décédé aujourd’hui. Mais toujours passionné par l’œuvre ultime et définitive de l’histoire de la musique, j’ai lu toutes les critiques qui me tombaient sous la main. Et comme à leur habitude, ce n’étaient que des torchons écrits par des incompétents qui n’aiment pas la musique. Le pompon c’est le scribouillard de forumopera.com et le sur-pompon ce sont les avis des lecteurs – des ados boutonneux au cerveau abimé – de ce même forum. La question – et le débat se prolonge sur plusieurs pages – est de savoir pourquoi le metteur en scène a fait jouir Isolde sur le corps de Tristan mort, au rideau final, au lieu de la faire mourir d’extase et d’amour comme le veut la tradition. Cependant, il est vrai que rien n’indique dans la partition qu’Isolde meurt. Elle sombre simplement dans sa folie qui n’est que la folie des hommes et qui nous sauve tous du suicide. Ils étaient peut-être une cinquantaine à débattre et aucun n’a pu penser, un seul instant, que tout cela n’est qu’un rêve dans un rêve dont le rêveur n’est pas celui qu’on pense, mais celui qui ne rêve pas qu’il rêve et qui donc rêve vraiment. La vérité – la mienne donc la seule puisque c’est celle qui m’appartient – c’est que Tristan et Isolde sont des ennemis jurés et que s’ils tombent subitement amoureux – c’est ce que l’on croit – c’est qu’ils ont bu, par erreur, un philtre d’amour en place d’un philtre de mort, Isolde voulant la peau de son soi-disant futur amant. Amant ? Ont-ils couchés ? Non ! Jamais ils ne se sont rencontrés. Leur fameux duo d’amour du II n’est qu’un fantasme isolé, l’un et l’autre criant leur amour à eux-mêmes. Tristan et Isolde ne sont pas. Dans la mise en scène légendaire de Heiner Müller en 1995 à Bayreuth – vu à l’opéra de Lyon le dernière saison – les personnages entrent et sortent sans entrer ni sortir. Ils apparaissent et disparaissent comme par enchantement. Au III, ils se confondent dans le gris uniforme et graveleux du décor. Ils ne sont pas. Tristan et Isolde n’est qu’un illusion – pas d’amour, pas de conflit, pas combat -, une histoire qui se déroule dans notre imagination, une histoire qui ressemble étrangement à notre vie qui, elle aussi, n’est qu’une vaste illusion où nous nous fatiguons à croire en rien, à agir immobile et à sauver un présent qui ne peut exister. En cela, Wagner rejoint Lynch où la notion du temps n’est pas celle de l’horloge ou du calendrier, mais celle du temps qui se superpose et qui jamais de s’arrête au bon endroit. Et c’est pour cela que le détail est superflu. Seule la ligne compte, cette ligne qui part de rien pour submerger les univers de pensées et s’abimer dans les gouffres des océans comme si rien ne s’était jamais passé.
  





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire